Au-delà des données - Luc Hellemans, CEO, Lantis

« Nous améliorons la qualité de vie de la ville et de la région toute entière. »

Sven Persoone

11 min.
13/01/2024

Dans notre série de podcasts « Au-delà des données / Voorbij de Data », nous accueillons chaque semaine un(e) invité(e) inspirant(e) qui nous explique comment les données - et les idées novatrices qui en découlent - créent de la vitesse, de l'efficacité et donne une direction. Les personnes interviewées proviennent de différents secteurs. Certain(e)s sont encore en train de découvrir les données, tandis que d'autres sont des utilisateurs/-trices chevronné(e)s et jettent déjà un regard sur l'avenir proche.

Veuillez noter que la série de podcasts « Voorbij de Data » est en néerlandais. Dans cet article, vous trouverez les grandes lignes de la conversation.

Pour ouvrir la série, nous nous sommes entretenus avec Luc Hellemans, CEO de Lantis et peut-être plus connu comme le constructeur de la connexion Oosterweel. Mais Lantis est bien plus qu'un simple projet d'infrastructure. Notre invité nous explique le rôle des données dans la transformation de la ville d'Anvers et dans la création d'un environnement plus durable et plus vivable. 

Luc Hellemans a accumulé 25 ans d'expérience dans le secteur privé. Au cours de cette période, il a été particulièrement intrigué par l'impact transformateur des projets sur la société et par le rôle que jouent les données à cet égard. Il y a six ans, il a pris la tête de Lantis.

« Lantis s'efforce de rendre la ville aux citoyens, ce qui m'a suffisamment motivé pour relever ce défi », explique-t-il. « Nous sommes en transition depuis une décennie. Nous ne savons pas vraiment où nous allons. Nous sommes soit des prophètes de malheur, soit des négationnistes. Ni l'un ni l'autre n'est une bonne recette, alors que faire ? Rassembler les gens, les mettre en contact et chercher des solutions. Les données peuvent nous être d'une aide précieuse à cet égard. Nous allons bientôt investir sept à huit milliards d'euros dans ce projet. J'aimerais que cet investissement soit rentable et cela ne peut se faire qu'en prenant de bonnes décisions. Non pas sur la base d'une intuition, mais sur la base de données. »

Au-delà des données - Luc Hellemans, CEO, Lantis

L'intuition, c'est aussi des données

Selon notre invité, il ne faut toutefois pas sous-estimer l'intuition humaine.

« Depuis que les humanoïdes sont arrivés sur cette planète il y a des millions d'années, nous avons souvent analysé une situation en quelques secondes et avons dû prendre une décision. L'analyse de cette situation, c'était aussi des données. Il s'agissait d'informations provenant de l'environnement, que les humains traitaient très rapidement. Par exemple, on a des frissons et on a les poils qui se hérissent quand il y a un danger. »

« Il n'y a que dans les entreprises que l'on ne fait pas cela, ou du moins beaucoup trop peu. Souvent, quelqu'un a fixé une certaine direction et les gens suivent. Qu'il s'agisse de la bonne direction ou non. Nous ignorons les données et collectons principalement des informations pour confirmer ensuite que nous avons raison. Ces entreprises sont très lentes à changer et ne sont pas très innovantes. Nous ne devrions donc pas agir de la sorte. Nous devons revenir à notre intuition, à ce système qui consiste à utiliser les données comme une analyse de l'environnement et à travailler avec cela. »

Dans de nombreuses entreprises, il y a quelqu'un qui a fixé une certaine direction et qui continue à la suivre. Qu'il s'agisse ou non de la bonne direction.


Luc Hellemans
CEO, Lantis

Les données comme preuves

Les données sont omniprésentes. Il s'agit aussi de les utiliser intelligemment. Apprendre et prendre des mesures chaque jour. Les organisations devraient constamment essayer de transformer les données brutes en données intelligentes. Une transparence totale et une confiance saine dans les employé(e)s sont cruciales à cet égard. En outre, les données sont également nécessaires pour prouver que la ville d'Anvers s'améliore effectivement.

« Nous aurions tout aussi bien pu investir tous ces milliards dans les soins de santé ou l'éducation. Il faut donc aussi prouver le rendement social de ce projet. Par exemple, si nous affirmons que la qualité de l'air de 300 000 personnes s'améliorera ou que vous pourrez à nouveau faire des barbecues au bord de l'autoroute, nous devons le prouver par des données. À Zwijndrecht, il y a maintenant des murs antibruit et des accotements de neuf mètres de haut. Il s'agit d'une sorte de canyon qui bloque la poussière fine et le bruit. Derrière ces écrans, les habitants peuvent faire des barbecues de manière efficace. Ils peuvent également réentendre le chant des oiseaux. C'est toute la différence entre devenir sourd à 60 ans et continuer à bien entendre jusqu'à 90 ans. Et ce sont autant de choses que l'on peut mesurer et transformer en données. »

Envisager l'avenir avec les écosystèmes

Une ville d'Anvers où il fait bon vivre ne s'applique pas seulement à ses habitants, mais à toute une région.

« Environ un million et demi de personnes dépendent d'Anvers. Elles y vivent, y travaillent ou bien s'y détendent. Chaque jour, 160 000 personnes passent devant notre ring. S'ils ne le font pas, ils se réfugient dans les zones résidentielles et le système déborde. Pour rendre Anvers vivable et sûre, nous devons donc déployer un large éventail de mesures. Ce million et demi de personnes sont tous nos clients, nos parties prenantes. C'est pour eux que nous travaillons. Et nous le faisons pour différentes générations. »

Cela oblige également Lantis à se tourner très consciemment vers l'avenir, parfois lointain.

« On ne construit pas la liaison Oosterweel pour dix ans, mais pour cent ans. Mais je ne sais pas à quoi ressemblera le monde dans 100 ans. Nous devons donc travailler avec des scientifiques pour faire certaines prévisions, une sorte de théorie des options réelles. La boîte de construction sur laquelle nous travaillons actuellement sera-t-elle toujours adaptable si elle prend une certaine direction ? Construisons-nous un caméléon ou un dinosaure ? Nous n'avons pas encore de réponse à toutes ces questions. Certains cas sont couronnés de succès, mais beaucoup d'autres ont été mis à la poubelle. »

On ne construit pas la liaison Oosterweel pour 10 ans, mais pour 100 ans. Seulement, je ne sais pas à quoi ressemblera le monde dans 100 ans.


Luc Hellemans
CEO, Lantis

« Nous devons également oser penser au-delà de notre propre secteur. En pensant en termes d'écosystèmes, on peut trouver de nouvelles applications. Nos déchets peuvent être la matière première de quelqu'un d'autre. Le fait de travailler sur la base de données dans tous les secteurs permet d'obtenir de nouvelles informations à chaque fois, ce qui permet de changer de cap et d'entrevoir de nouvelles opportunités à chaque fois. »

Collaborer et croire aux grandes histoires

D'ici 2030, le projet d'infrastructure autour d'Anvers devrait être achevé. Pour le monde extérieur critique, il reste à savoir s'il s'agira effectivement d'un succès. Luc Hellemans croit évidemment en une issue positive.

« Statistiquement, les chances de réussite d'un projet de plus d'un milliard d'euros sont d'une sur trois. Si l'on considère les projets d'infrastructure dans une zone urbaine, les chances de réussite tombent à une sur dix. De nombreuses études ont été menées par de grands cabinets de conseil et elles aboutissent toutes à la même conclusion : le projet n'était pas bien organisé, la prise de décision n'était pas tout à fait bien structurée, et c'est vrai. Tout cela est vrai. Pour qu'un projet réussisse, toutes ces choses sont nécessaires. Mais il y a en fait deux choses que les gens oublient. »

« La première est que l'être humain a la capacité unique de croire aux grandes histoires. Nous pouvons tous regarder dans une seule direction. Nous pouvons croire en une entreprise ou en une religion et relier des groupes d'un milliard de personnes ou collaborer avec 10 000 personnes. Et si vous pouvez travailler ensemble dans de très grands groupes, vous êtes également en mesure de réaliser des choses qui dépassent l'imagination de n'importe quel ordinateur. C'est grâce à cette capacité unique que nous avons réalisé de nombreuses inventions et que nous nous sommes tellement développés en tant qu'êtres humains. Il faut donc réunir cette capacité unique de travailler ensemble et de croire aux grandes histoires. Il faut transformer un projet d'une telle envergure en une histoire pour l'environnement, qui soit plus grande que le projet lui-même. »

Il faut transformer un projet d'une telle ampleur en une histoire pour l'environnement, qui est plus grande que le projet lui-même.


Luc Hellemans
CEO, Lantis

« Oosterweel n'est pas un projet d'infrastructure. Non, nous améliorons la qualité de vie de la ville d'Anvers et de toute la région. On passe à un niveau supérieur, ce qui permet de relier les gens entre eux. Il y a eu des protestations, mais aujourd'hui, le projet est soutenu à 90 %. Par ailleurs, il s'avère que les projets qui offrent des opportunités pour l'environnement sont également gérés de manière plus efficace en termes de temps et d'argent. En d'autres termes, on a l'impression de dépenser plus, mais au bout du compte, on dépense beaucoup moins d'argent et on obtient beaucoup plus d'avantages. Telle pourrait être la stratégie qui permettra à ce projet de réussir. Et si nous réussissons, et si l'écosystème suit, nous mettrons en route quelque chose d'unique qui vous donnera bientôt une image très différente d'Anvers et de notre région. »

L'interview complète de Luc Hellemans abordera d'autres sujets. N'hésitez pas à nous faire part de vos impressions.